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Les Saveurs de la Langue
8 novembre 2005

Beurre

Le beurre fut longtemps considéré comme la graisse du pauvre : c’est un produit facile à produire localement, au contraire de l’huile, qui ne se récolte qu’une fois l’an et qu’il faut faire venir du Sud.

Les grecs le connaissaient déjà sous le nom de bouturon (de bous, la vache et turos, fromage ou préparation lactée), mot dont dérivent la plupart de termes qui servent à le désigner dans les langues occidentales, du butyrum latin au butter anglais, en passant par le burro italien, le Butter allemand et le beurre français*. Pourtant, durant toute la période Antique et au Moyen-Age, le beurre n’est guère apprécié par le monde greco-romain. Méprisé par Jules César comme produit tout juste bon à graisser ses sandales, il garde longtemps une image de produit essentillement médical, destiné à lutter contre les infections de la peau, les brûlures et les maladies occulaires, ou cosmétique, pour adoucir la peau ou faire briller les cheveux. Cette connotation négative se retrouve dans une expression comme «compter pour du beurre» (compter pour rien).

Ce sont les peuples barbares qui nous le transmettront comme produit à vocation culinaire. Mais nos langues ne garderont aucune trace de la racine des langues celtiques – breton amann, gallois ymenyn, gaélique de l’ile de Man eeym, irlandais im –, de celle des langues germaniques nordiques - danois smør, suédois smör , ou de celle des langues slaves - russe maslo, serbo-croate maslac.

A partir du XVe siècle, le beurre devient un produit de luxe, notamment dans les régions du Nord et de l’Ouest de l’Europe. De là, il acquiert une connotation positive, que l’on retrouve dans nombre d’expressions populaires : «avoir du beurre» (être riche), «faire son beurre» (faire fortune), «mettre du beurre dans ses épinards» (améliorer sa situation). L’idée du beurre comme produit de luxe se retouve aussi dans des expressions comme «promettre plus de beurre que de pain» (promettre plus qu'on ne peut donner) ou «vouloir le beurre et l’argent du beurre».

D’autres expressions s’avérent plus neutres, et se fondent simplement sur la nature du beurre : «entrer comme dans du beurre» (entrer très facilement), «avoir des mains de beurre» (molles), «fondre comme beurre au soleil».

Quoiqu’il en soit, dans notre langue, le beurre... compte rarement pour du beurre!

* L’espagnol constitue un cas à part, qui désigne le beurre sous le nom de mantequilla, issu de manteca, graisse.

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